Il n’empêche.
Un livre « en vrai », c’est aussi la teinte des pages, leur aspect, leur toucher, la police de caractère. C’est aussi passer son doigt sur le vernis sélectif de la couverture. C’est une odeur, un poids. Dans le bonheur de lire, tous les sens entrent en jeu. Les feuilles qui bruissent, les couleurs qui claquent, le parfum de neuf qui nous enveloppe.
Curieux paradoxe. Car tout est fini ; une fois le livre imprimé, j’ai fait le (très) gros de mon travail, je ne peux plus rien modifier. Et en même temps, tout commence. Maintenant, le livre va vivre sa vie de manière autonome. D’une certaine façon pourtant, nos chemins se séparent un peu. Je lâche partiellement les personnages. Au moment où ils existent vraiment, je prends de la distance et j’offre le contenu à d’autres. À vous.
Aux lecteurs et aux lectrices de donner leur avis, d’aimer les personnages ou de les détester, d’acheter ou pas. Aux éditeurs de promouvoir le texte, de se débrouiller pour qu’il soit mis en valeur, traduit, commenté. À moi peut-être aussi de prendre le relais pour faire connaître les personnages, le texte. Raconter sa genèse, son histoire.
Une fois le livre imprimé, l’histoire devient un objet. Énorme changement de statut, car pendant tout le temps de l’écriture, il n’y a rien de tangible. Il y a une accumulation d’émotions, d’envies, d’idées. Un équilibre qu’on essaie de maintenir. Des personnages auxquels on cherche à donner vie. Un souffle, un élan. On tricote, une maille à l’endroit, une maille à l’envers, on s’arrange comme on peut avec la réalité de ce qu’on est capable d’écrire.
Ensuite, l’éditeur y glisse sa vision, transmet son enthousiasme. On affine, on retaille la pierre. On écoute, on soupèse, on arbitre. Le directeur ou la directrice artistique met sa patte, l’illustrateur ou l’illustratrice aussi. Et les commerciaux.
Concentration d’idées, de choix, conjonction de perspectives. On est encore entre nous, on est encore dans un cercle restreint de « happy few ». Le Bon À Tirer est donné, on attend la suite, en apnée.
Les semaines et les mois passent. Le livre arrive, enfin imprimé. Début et fin d’une aventure. Je lâche du lest, à vous la parole.
Vous la prenez, dites ?
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Alors pour la première partie de 2024 :
- il y a eu, début janvier, un nouveau tome pour Tonnerre de mammouth : Zinzins les humains et en mars, la suite de L’Académie des génies : Un prisonnier en cavale
- 24 mai, une nouvelle série qui démarre : Princesses pour la vie. A partir de 7 ans, avec des princesses très actuelles et pas du tout gnagnan !
- 31 mai, une autre nouvelle série : Club cookies. Des pâtissières en herbe se lancent un défi incroyables. Avec des recettes à l’intérieur (testées et approuvées, oui oui)
- et en août, un roman-jeu à vous faire trembler !
Mars 2024
Depuis, l’écriture s’est définitivement invitée, grappillant de plus en plus de temps et d’énergie. Elle est devenue centrale, essentielle. Respiration, pulsation. Mille couleurs, mille odeurs, mille vies. Et j’aime ça, oh oui j’aime ça.
Côtoyer des personnages, les rendre suffisamment puissants et profonds pour que je puisse les écouter, me fier à eux, leur rendre justice en les couchant sur le papier. Un roman, c’est un défi toujours renouvelé. J’en ai plus d’une centaine au compteur (111 je crois, selon le dernier récap des élèves que j’ai rencontrés hier) mais je n’ai toujours pas l’impression de dominer le sujet.
Bien sûr, la technique s’affine au fil des pages et des années. Bien sûr, on maîtrise mieux l’attaque de la phrase et le déroulé de l’intrigue. Mais je tâtonne toujours autant. Écrire, c’est hésiter, tester, marcher en espérant qu’on arrivera quelque part. Et persévérer, surtout. Se débrouiller pour entretenir le feu de l’émotion. Inventer une nouvelle astuce pour protéger la flamme du vent, pour la rendre plus vivante, plus forte, plus juste.
Écrire, c’est donner vie à un personnage. À partir du moment où on a décidé de le convoquer, de lui donner parole, cela nous oblige. À être au plus près de ce qu’il est, de ce qu’il donne, de ce qu’il dit. De son chemin. Au fond, voilà ce que j’ai appris, pendant ces vingt-cinq ans d’écriture : je ne suis qu’un intermédiaire pour donner vie à un personnage. C’est lui qui décide, c’est lui qui sait. Alors même qu’il n’est pas vivant « pour de vrai » – oui, c’est étrange.
Mon devoir, c’est d’être à son écoute, de lui permettre d’aller au bout de lui-même. Au début, on croit qu’on tient toutes les ficelles parce qu’on est celui qui écrit, mais c’est faux. On est au service du personnage – enfin, c’est ainsi que je le vois. Et ça me plaît, ça me plaît beaucoup. Parce que l’écriture est un mouvement, un mouvement de vie, une trajectoire et une modulation.
Raconter ça, ce n’est pas si facile.
C’est mon défi.
J’en suis heureuse.
Février 2024.
À chaque fois, j’ai un peu d’hésitation avant de bouger, de reprendre RER, train, ou voiture. Des heures dans les transports. Tout ça pour quoi ? me demande-je dans la brume des matins frisquets. Mais à chaque fois, ou presque, la réponse est là, évidente. Parce que lorsque je suis avec les élèves, quelque chose se passe. On est ensemble, et c’est important, je crois. Parler de création, de passion, de choix. De vie.
La plupart du temps, disons. Parfois, ça résiste. Ricanements, agitation, bref, on n’est pas en phase, et ça me met en rogne.
C’est un drôle d’existence, celle d’auteur/autrice. Il y a un double mouvement : une phase d’ouverture au monde, je parle de ce qui fait ma vie, je parle de ce qui créé l’envie d’écrire, le mouvement et le geste, la réflexion et le contexte. J’écoute les gens, je les observe, j’engrange tout ça. Pleine insertion dans le flux de la société. Rires et conversations.
Et il y a un deuxième mouvement, tout aussi indispensable : se replier sur soi, se créer un cocon et un univers suffisamment vaste pour qu’il puisse contenir mes personnages. Écouter le temps qui se dilue au rythme de mes pensées, laisser mûrir, grandir. Peser chaque mot, chaque réaction, chaque silence.
On a beau faire tous les efforts qu’on peut, parfois les deux mondes ont du mal à se juxtaposer. On voudrait rester dans la tiédeur du lit romanesque, oublier le bruit et la fureur de l’extérieur. Mais en même temps, ce bruit et cette fureur sont essentiels pour donner de la chair aux personnages.
Et je repars dans une école, un collège, le sourire au cœur et la certitude que oui, c’est important…
Pour me rencontrer, voyez l’agenda !
Et tiens, regardez ce petit reportage récemment diffusé sur le JT de France 3 :