Contrairement à ce qu’on pourrait penser, de l’idée au roman, il n’y a pas qu’un pas. Il y en a plusieurs.
Une bonne idée ne suffit pas pour écrire un bon roman. A contrario, sans idée fondatrice, pas de roman qui tienne la corde.
Alors comment ça se passe, tout au début ?
En réalité, pour vous parler de ma seule expérience, chaque roman est unique. Chacun a démarré d’une manière qui lui est propre, et dans un élan spécifique.
Pour Tu n’es pas celle que tu crois par exemple, c’est cette phrase qui m’est venue en premier, un peu comme un cadeau. J’en ai parlé ici. Les personnages principaux sont nés de cette déclaration, longtemps après. Je me suis vraiment posé la question : quels éléments pourraient conduire un personnage à ne pas être celui qu’il croit ? Le scénario m’est venu petit à petit, avant que la moindre ligne soit rédigée. J’ai commencé l’écriture une fois que je tenais l’intrigue. Et les personnages.
D’autres fois, j’ai eu envie de parler d’une thématique en particulier. Par exemple, pour Stolen, c’est l’Australie qui m’a intéressée, au départ. En me documentant, j’ai pris de plein fouet les « stolen generations » et j’ai regardé au moins cinquante reportages de gens qui se présentaient, s’expliquaient et racontaient leur parcours. Dans un coin de la tête, j’avais aussi envie de parler de l’art aborigène. Les deux se sont mixés pour créer les personnages de Joshua, Ruby et William.
Pour Fuir encore, c’est un micro détail dans un livre que je lisais, qui m’a donné l’idée de départ. Il était question d’une fille qui avait des cicatrices sur tout le corps, et n’expliquait pas d’où elles provenaient. Ce détail prenait une demi-page dans le roman que je lisais. Je m’en suis emparée… pour créer une héroïne qui n’a pas la moindre cicatrice, mais qui est, d’une autre manière, blessée par son passé.
Et derrière les nuages est né le jour où j’ai failli écraser un piéton, en voiture. « Qu’est-ce qui se passerait si quelqu’un mourait par ma faute ? » me suis-je demandé. Le contexte a changé, les personnages ont évolué, mais la question de la culpabilité est encore là, centrale dans cet ouvrage.
Il n’y a donc pas de parcours obligatoire. Une idée peut arriver d’un coup, sans qu’on comprenne trop comment, foudroyante.
Mon seul conseil, c’est de ne pas partir immédiatement dessus. De laisser mûrir. Attendre et peaufiner. Parce que les « fausses bonnes idées » existent. Un roman, c’est un texte sur lequel on va travailler de longues semaines, plusieurs mois. Il faut donc que la trame soit suffisamment solide, que les personnages tiennent assez bien la route, pour qu’on aboutisse. Sinon le risque est grand, une fois l’enthousiasme du démarrage éteint, que tout s’arrête. Qu’on soit bloqué au milieu, sans savoir où aller.
Dans tous les cas, c’est après avoir écrit sept ou huit pages, que je peux vraiment faire le point. Savoir qui sont mes personnages, s’ils ont l’épaisseur nécessaire, si les rebondissements sont susceptibles de tenir. Oui, au bout d’une dizaine de pages, je sais. Je cerne le style, le ton, la voix du texte. Et je prends la suite ou pas… Mon plan devient plus clair, je suis enfin capable de prévoir le nombre de chapitre, ou à peu près. Je sais ou je vais et je me lance, avec bonheur (et un rien d’appréhension) dans cette nouvelle aventure !