Il y a un an tout juste, je me suis cassé le pied, ou plus exactement un orteil. Rien de grave, me direz-vous, et vous aurez raison. Sauf que j’ai dû apprendre à supporter des nuits d’insomnie. Lesquelles m’ont servi, entre deux élancements, à mettre au point de futurs scénarios de bouquins – si je les écris un jour.
Mais là n’est pas la question. Ce qui m’a beaucoup amusée, c’est le parallélisme entre ce que j’ai vécu – l’immobilité forcée – et l’envie de bouger de mes personnages. Tout d’un coup, il me semblait quasi impossible de les faire courir les uns après les autres.
Insurmontable l’idée de les envoyer loin, de les lever ou qu’ils trottinent dans l’air frais du matin. Les bagarres se réduisaient à deux phrases elliptiques, les balades à deux lignes de paysage. Mes personnages, j’aurais plutôt eu envie qu’ils restent avec moi, à la chaleur du poêle, et qu’ils m’aident à béquiller d’une pièce à l’autre.
Mais mon égoïsme n’aura pas eu raison de leur énergie. Oui vous avez raison, personnages que j’ai créés, continuez à vivre, à courir, et ne vous inquiétez pas de cette auteure acariâtre qui vous incite à garder le lit. N’acceptez pas la parlotte verbeuse qu’on vous impose ; à toute chose, préférez l’action…
Jusqu’à présent, j’aurais été prête à jurer que des personnages dignes de ce nom étaient indépendants de moi. Oui oui j’étais capable de faire la différence entre eux et moi, oui ils avaient un caractère qui leur était propre, une démarche et une soif de vivre autonomes.
Mes convictions se sont fracturées en même temps que mon orteil ; à quoi la création tient-elle, tout de même, et quelle ingratitude !